Une approche multi-fractal des mouvements des marchés financiers.
« La géométrie, qui décrit la forme des côtes et les modèles de nos galaxies, permet de nous éclairer sur la façon dont les marchés financiers montent et descendent. »
Par Benoit Mandelbrot
Les particuliers et les professionnels, qui évoluent sur les marchés financiers savent plus que jamais, que les cotations des prix sur n'importe qu'elles marchés financiers changent souvent avec une rapidité à couper le souffle. Des fortunes se créent et se perdent lors des sursauts d'activité quand le marché semble s'accélérer et la volatilité s'envoler. En septembre dernier, par exemple, Alcatel chuta d'environ 40% un jour et tomba encore de 6% pendant les six jours suivants.
Cependant dans un renversement de situation, l'action remonta de 10% pendant la quatrième journée.
La plupart des modèles financiers utilisés, aujourd'hui, prédisent que de tels événements aussi brutales ne devrait jamais arriver. Une pierre angulaire de la finance est la théorie moderne de la gestion de portefeuilles, qui cherche à maximiser le rendement du portefeuille pour un niveau de risque donné. Les mathématiques sous-jacentes à la théorie du portefeuille considèrent les situations extrêmes comme une quantité négligeable par rapport à l'évolution « normale » du marché: la théorie envisage que l'évolution de ces situations est improbable ou impossible à prendre en compte. Il est vrai que la théorie du portefeuille peut rendre compte de ce qui se passe 95% du temps sur le marché. Mais l'image, qu'elle nous présente, ne reflètent pas la réalité, car elle néglige les 5% restants or on peut admettre que les situations extrême font partie des 5% restants. Une analogie qui s'impose est celle d'un marin en mer. Si le climat est tempéré 95% du temps, le navigateur peut-il se permettre d'ignorer la possibilité d'un typhon?
Les formules de réduction des risques, sous-jacentes à la théorie du portefeuille reposent sur plusieurs hypothèses qui sont localement fausses.
D'abord, ils suggèrent que les variations des prix sont statistiquement indépendants les uns des autres: par exemple, le prix d'aujourd'hui n'a aucune influence sur les changements entre le prix actuel et celui de demain.
En conséquence, les prévisions des mouvements futurs du marché deviennent impossible.
La seconde hypothèse est que tous les changements de prix sont distribués selon un schéma conforme à la courbe de Gauss. La largeur de la cloche ( mesuré l'écart type) permet de montrer comment les changements de prix s'écartent de la moyenne, ainsi les situations extrêmes sont très rares. Alors pour notre marin, les typhons sont, en effet, défini comme inexistant.
Est-ce que les données financières se conforment parfaitement à ces hypothèses? Bien sûr, elles ne le font jamais.
Les graphiques des variations des actions ou des devises au cours du temps révèle qu'il y a constamment un fond de petits mouvements de hausse et de baisse des prix. Mais, ils ne sont pas aussi uniforme que l'on pourrait s'y attendre si on considère que les variations de prix devraient s'adapter à la courbe en cloche de Gauss. Cependant, ces variations ne constituent qu'un aspect des graphiques. Il y a un nombre important de changements brusques sur les graphiques, qui entraine les actions de haut en bas et se démarque des variations modérées, dites « normales ».
En outre, l'amplitude des mouvements des prix peut rester à peu près constante pendant un an, et puis tout à coup augmenter pendant une période prolongée. Les fossés dans les prix sont plus fréquents quand les turbulences du marché augmentent, ils apparaissent sur les graphiques.
Selon la théorie du portefeuille, la probabilité que ces fluctuations soient importantes serait de quelques millionièmes de millionième de millionième de millionième. (Les fluctuations sont en théorie pas plus importante que 10 écarts-types.)
Mais, en fait, on observe régulièrement des pics ( tous les mois et même plus souvent), cependant leurs probabilités restent de quelques centièmes. Certes, la courbe en cloche est souvent décrite comme normale ou, plus précisément, comme la distribution normale. Mais est-ce que nous devrions décrire les marchés financiers comme anormale? Bien sûr que non, ils sont ce qu'ils sont, c'est la théorie du portefeuille qui est fausse.
La théorie moderne du portefeuille constitue un danger pour ceux qui y croient trop fort et est un immense défi pour le théoricien.
Bien que reconnaissant parfois des défauts dans la pensée actuel, les partisans de cette théorie suggèrent que certaines variations locales ne peuvent être traitées grâce à la modélisation mathématique.
Cette affirmation pose la question de savoir si on peut développer une description quantitative rigoureuse de certaines caractéristiques des grands bouleversements financiers.
La réponse pessimiste est de dire que les fortes fluctuations du marché sont des anomalies, des « agissement de Dieu » ,qui ne possèdent pas la régularité nécessaire pour être modélisé. Les révisionnistes corrigent les postulats de la théorie moderne du portefeuille par le biais de petites corrections qui manquent de principe général et qui n'améliorent pas suffisamment les chosest.
Mon propre travail (celui de Benoit Mandelbrot), effectué depuis de nombreuses années, prend une position très différente et résolument optimiste.
Je prétends que les variations de prix des actifs financiers peuvent être expliquée par un modèle dérivé de mon travail sur la géométrie fractale. Les fractales ne visent pas à prédire l'avenir avec certitude. Mais elles créent une image plus réaliste des risques de marché. Étant donné les récents problèmes dans les hedge funds, il serait inopportun de ne pas étudier les modèles fournissant des estimations plus précises du risque.
Les multi-fractales et les marchés financiers.
Il existe déjà de nombreux objets mathématiques, qui sont fractales et multifractales. Les modèles fractales apparaissent non seulement dans les variations de prix des actions, mais aussi dans la distribution des galaxies dans le cosmos, dans la forme des côtes et dans les motifs décoratifs générés par des programmes informatiques innombrables.
Une fractale est une forme géométrique qui peut être séparé en plusieurs parties, dont chacune est une version à échelle réduite de l'ensemble. En finance, les mouvements des marchés financiers se ressemblent tous lorsqu'ils apparaissent sous un graphique. Un graphe est défini par l'échelle des temps et des prix. Un observateur ne peut pas faire la différence entre plusieurs graphique, si il ne possèdent pas l'échelle des temps . Cette qualité définit les graphiques boursiers comme des courbes fractales et donc met à notre disposition de nombreux outils puissants d'analyse mathématique et informatique.
Un terme plus technique spécifique pour la ressemblance entre les parties et le tout est l'auto-affinité. Cette propriété est liée à la notion mieux connue de fractales qu'on appelle l'auto-similarité.
L'auto-similarité est le caractère d'un objet dans laquelle on peut trouver des similarités en l'observant à différentes échelles.
Dans le détail d'un graphique où les traits sont plus élevés que larges (comme le sont les variations des prix d'une action), la réduction de l'ensemble à une partie moins importante doit réduire l'axe horizontal plus que l'axe verticale . Pour le graphique des prix, cette réduction doit diminuer l'échelle de temps (l'axe horizontal) plus que l'échelle des prix (l'axe vertical). La relation géométrique de l'ensemble de ses parties est considérée comme étant l'auto-affinité.
L'existence de ces propriétés ne présente que peu d'importance pour la plupart des statisticiens. Mais elles sont appréciées des physiciens et des mathématiciens comme moi (Benoit Mandelbrot), qui les appellent invariances et sont plus heureux avec des modèles qui présentent cette propriété d'invariance. Une bonne idée de ce que je veux dire est fourni par l'élaboration d'un graphique simple qui introduit les variations de prix d'un temps noté 0 à une date ultérieure, en plusieurs étapes successives. Les intervalles sont eux-mêmes choisis arbitrairement, ils peuvent représenter une seconde, une heure, un jour ou un an.
Illustration 1 trois graphique crées à partir d'un générateur fractale.
Le processus commence par un prix, représentée par une ligne de tendance droite (illustration 1). Ensuite, on crée une ligne brisée à partir d'un générateur pour créer un modèle correspondant à des oscillations de,va-et-vient du prix d'une action sur les marchés financiers. Le générateur se compose de trois pièces qui sont insérées (interpolée) le long de la ligne de tendance linéaire. (Un générateur de moins de trois pièces ne seraient pas créer un prix qui peut monter et descendre.) Après avoir délimité le générateur initial, ses trois droites sont interpolées par trois lignes plus courtes. En répétant ces étapes ont crée une courbe des prix.
Les interpolations à l'infini
Seules les premières étapes de l'interpolation sont indiquées dans l'illustration 1, bien que le processus de création se poursuit. En théorie, il n'a pas de fin, mais dans la pratique, cela n'a aucun sens d' interpoler à des intervalles de temps plus courtes que celles entre les transactions commerciales, qui peuvent se produire en moins d'une minute. De toute évidence, chaque morceau se termine par une forme à peu près comme l'ensemble. Ceci est l'invariance d'échelle, qui est présent tout simplement parce qu'il a été construit. La nouveauté, c'est que ces courbes fractales, qui sont auto-affines, présentent une richesse géométrique, elles sont au croisement de la géométrie fractale et de la théorie du chaos
Un petit nombre des graphiques crée par le générateur, dits courbes unifractal, présentent l'image relativement tranquille du marché. Ces courbes sont couverte par la théorie moderne du portefeuille. Mais la tranquillité règne que sous certaines conditions bien particulière, qui ne peuvent être créees qu'avec des générateurs spéciaux. Les hypothèses derrière ce modèle simplifié sont l'une des erreurs central de la théorie moderne du portefeuille. C'est un peu comme une théorie des vagues qui interdierait leur hauteur à plus de six mètres...
Illustration 2
La beauté de la géométrie fractale est qu'elle permet de créer un modèle assez général pour reproduire les motifs qui caractérisent les marchés, la théorie du portefeuille aussi bien que les conditions des échanges tumultueux de ces derniers mois. La méthode décrite précédemment pour créer un modèle fractal des prix peut être modifié pour montrer comment l'activité des marchés accélère et ralentit (faire apparaitre la volatilité des cours). Cette variabilité est la raison pour laquelle le préfixe «multi-» a été ajouté au mot «fractal».
Illustration 3

Une telle modification peut produire une simulation des fluctuations des prix sur une période donnée, en utilisant le procédé d'interpolation décrit précédemment. Chaque fois que la première ligne du générateur est réduite, et que le processus d'interpolation est mis en place. Alors la courbe ressemble de plus en plus aux caractéristiques d'un marché volatil (illustration 4).
Le uni-fractal (U) graphique représenté ici (avant toute réduction) correspond à l'accalmie des marchés postulé dans le modèle de théoriciens de portefeuille.
Que devraient faire de cette article le trésorier d'une entreprise, le cambiste ou un investisseur? Les écarts entre les graphiques peints par la théorie moderne du portefeuille et le mouvement réel des prix sont évidents. Les prix ne varient pas en permanence, ils oscillent sauvagement à toutes les échelles de temps. La volatilité est au cœur même de ce qui se passe sur les marchés financiers, elle ne peut pas être ignorée. Dans le passé, les gestionnaires de fonds avaient adopté la continuité et l'évolution des prix, de la théorie moderne du portefeuille à cause de l'absence d'alternatives fortes. Aujourd'hui, un gestionnaire de fonds ne doit plus accepter les modèles financiers actuels.
Au lieu de cela, les multifractales décrivent avec précision la relation entre la courbe créée par la génératrice et les modèles de fluctuations de va-et-vient des prix qui se trouvent sur les graphiques.
Sur le plan pratique, cette constatation laisse imaginer qu'on pourrait utiliser un générateur de fractales à partir des données historiques des marchés financiers. Le modèle utilisé ne se contente pas simplement d'inspecter ce que le marché a fait hier ou la semaine dernière. Il est une représentation plus réaliste des fluctuations du marché, appelé mouvement brownien fractionner en temps multifractales de négociation. Les graphiques ,créés à partir des générateurs et de l'historique des cours, produisent des modèles permettant de simuler des scénarios alternatifs basés sur l'activité antérieur du marché.
Ces techniques ne donnent pas la prévision d'une baisse des prix ou d'une hausse pour un jour donné. Mais ils fournissent des estimations de la probabilité de ce que le marché pourrait faire et permettent de se préparer aux changements inévitables. Les nouvelles techniques de modélisation sont conçus pour nous éclairer sur les marchés financiers. Ils reconnaissent aussi l'avertissement du navigateur: même sur une mer calme, un coup de vent peut-être à l'horizon.
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